Six cent cinquante kilomètres à l’est de Las Vegas s’étend Monument Valley sur le plateau du Colorado.
Ces après-midis de novembre, grès et schistes s’embrasent et confèrent aux dernières heures du jour un spectacle grandiose. Je me remémore ma géologie d’écolier : schistes Moenkopi, Organ Rock, Shinarumps, grès de Chelly. De puissantes bourrasques soulèvent une poussière rouge coupante qui s’insinue partout. Le soleil est fort, la lumière rasante. Partout, les ombres portées déforment ce relief unique au monde.

L’interminable Highway 160 déplie ses miles rectilignes. La période est propice aux tempêtes  — buissons et sables forment des bouffées éphémères que mon GMC traverse sans crainte. Les premiers promontoires rocheux se dévoilent de parts et d’autres de la route — je n’estime pas leur hauteur : cent mètres, quatre cent mètres, mille mètres ?

La Réserve Navajo s’ouvre à moi par des bâtiments sans style, quelques commerces moribonds, un check-point anecdotique. 12 dollars pour accéder au territoire sacré d’un peuple mythique.

16h00. L’endroit est pour ainsi dire désert. Une piste infecte permet de dévaler vers la vallée des rocs. Chaos de roches, de terre, de lumière et d’ombres. 5mph, la voiture ne supportera pas plus, je roule scrupuleusement. Paysage hors norme, lumières changeantes, atmosphère entre grâce et désastre. La voiture sur le bas-côté, je m’enfonce dans les dunes aux camaïeux subtiles.

Tout autour de moi, l‘espace est vivant, comme énervé par ces ruades de vent et ce sable volatile qui fait mal. Sols durs et craquants sous mon poids, végétaux brisés, j’avance lentement vers ces autels de 100 étages. Cathédrales de grès, monolithes millénaires, édifices naturels désagrégés, mon leica ne déclenche pas aussi facilement qu’ailleurs.

Je peine à saisir les bons cadrages. Aucune diagonale visible. Les verticales sont monumentales, les horizontales lointaines. La lumière de toute fin d’après-midi n’arrange rien.

A l’opposé du planétaire Grand Canyon, Monument Valley est un écrin à échelle humaine. Il me faut quelques heures pour construire des images, jouer avec les dunes, danser avec les ombres.

Je me sens étonnement bien à ma place d’homme, à genou devant les lumières sacrées de Monument Valley.

Un hôtel, pour dormir au cœur de la vallée

Ou plutôt un lodge. Qui ressemblerait à un motel — si toutefois il avait été au bord d’une route.

Le Goulding’s lodge est niché dans le creux d’une falaise rouge et offre à tous une superbe vue sur la mystérieuse vallée… L’intérieur est standard et confortable (type Holiday Inn). La vue depuis le balcon (et globalement depuis tout le site) est tout simplement magique. On a l’impression de dormir DANS Monument Valley.

Cette nuit-là, comment ne pas rêver que l’on chevauche avec John Wayne dans La Conquête de l’Ouest ou La Chevauchée fantastique ?…

Le Goulding’s Lodge

Le balcon… (dans beaucoup de chambres, on a cette vue depuis le lit !)

À partir de 120$ la double. Le genre d’adresse qu’il vaut mieux réserver. Un restaurant (très) moyen sert les repas, on s’en contente d’une part grâce à la vue, d’autre part parce qu’on n’a beaucoup d’autres choix par ici (!). Possibilité de camper ou de louer un chalet.

Retrouvez ici tous mes articles sur les États-Unis et là, mon article-fleuve : Road trip aux USA, mode d’emploi ! avec tous mes conseils pour organiser son road trip, conduire aux États-Unis, prévoir son budget, louer une voiture, visiter les parcs nationaux,…